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La stratégie nationale pour l’alimentation est à nouveau bloquée

La Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) n'a pas été publiée vendredi 28 novembre 2025 car le Premier ministre n'en aurait pas été informé, a justifié Matignon.

La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, devait présenter la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat vendredi 28 novembre 2025 lors d’un déplacement à Fontenay-sous-bois, dans le Val-de-Marne. Matignon a finalement bloqué une nouvelle fois sa publication.

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Une fois n’est pas coutume. La publication de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc), attendue depuis plus de deux ans, a de nouveau été suspendue vendredi 28 novembre 2025 par Matignon alors qu’elle avait été présentée à la presse la veille et suscitait déjà des critiques d’associations.

Sébastien Lecornu non informé

La publication officielle de ce document était attendue pour 14 heures le 28 novembre, après des mois d’allers-retours ministériels et de controverses, notamment sur la question de la consommation de viande mais aussi sur les publicités pour les produits trop gras ou trop sucrés à destination des mineurs.

Au terme d’un après-midi de flou, les ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique, chargés de son élaboration et sollicités par de nombreux journalistes qui attendaient la publication, ont renvoyé la presse vers Matignon. Le Premier ministre n’a « pas été informé » et n’a pas pu de ce fait « valider » la stratégie, a indiqué l’entourage de Sébastien Lecornu. « Il est donc décidé de ne pas publier à ce stade. »

Lors de la présentation aux journalistes, le ministère de l’Agriculture, interrogé sur la participation du cabinet du Premier ministre, avait répondu que ce document interministériel était « bien évidemment validé par le Premier ministre ».

« Pas de budget alloué à la Snanc »

Censée définir l’action du gouvernement d’ici à 2030 pour une alimentation saine et moins émettrice de gaz à effet de serre, cette stratégie est issue de la Convention citoyenne sur le climat et de la loi Climat et résilience qui a suivi en 2021. Elle devait être présentée avant juillet 2023.

Selon le texte qui devait être publié, consulté par l’AFP, parmi les « actions phares » prévues, « mises en œuvre dès » cette année, la Stratégie veut « encadrer réglementairement pour la première fois la qualité nutritionnelle des repas servis dans les établissements de la petite enfance, Ehpad, établissements pénitentiaires ». Le texte évoquait également des mesures pour la restauration collective ou pour lutter contre le gaspillage.

Les modalités de mise en action de ces mesures n’étaient toutefois pas claires dans l’immédiat et il n’y a « pas de budget alloué à la Snanc », l’idée étant de « faire avec l’existant », a expliqué à l’AFP le ministère de la Transition écologique (MTE).

Limiter ou réduire la consommation de viande ?

Les négociations lors de la rédaction de la Snanc ont été particulièrement âpres sur la formulation concernant la consommation de viande. Le texte consulté par l’AFP parle de « limitation » et non plus de « réduction », terme qui figurait dans le projet initial et était défendu par le ministère de la Transition écologique.

Ce remplacement avait déjà entraîné un premier blocage en septembre de la publication de la stratégie par Matignon, qui souhaitait remplacer l’idée de réduction par « une consommation de viande équilibrée ». François Bayrou était alors Premier ministre, sur le départ.

Selon le ministère de la Transition écologique, des objectifs chiffrés de réduction de consommation de viande, réclamés par les associations environnementales et autres, mais absents du texte consulté, sont prévus dans la future Stratégie nationale bas carbone (SNBC), en discussion.

Couac sur les aliments ultratransformés

Selon le texte, le gouvernement veut aussi « réduire efficacement l’exposition des enfants et des adolescents aux publicités et parrainages pour des produits trop gras, sucrés, salés », alors que des associations demandaient leur interdiction. « En cas d’insuffisance des dispositions volontaires, une mesure réglementaire d’encadrement du marketing alimentaire dans les médias sera envisagée », indique la Stratégie. Le projet soumis à consultation au printemps n’évoquait lui, aucune mesure contraignante.

Selon un article de Radio France publié le 28 novembre, une recommandation du Programme national nutrition santé (PNNS) encourageant « à limiter les produits ultratransformés » a disparu de la Snanc, au profit d’une recommandation pour « privilégier les produits peu ou pas transformés ». Cette modification a été faite à la demande du ministère de l’Agriculture et contre l’avis des deux autres ministères.

Le texte incite à « poursuivre les travaux pour arriver à une définition opérationnelle » des aliments ultratransformés.

Les associations vent debout

« C’est une histoire rocambolesque cette Stratégie qui doit être publiée depuis deux ans. Elle doit paraître et ne paraît pas, c’est une vraie chimère », a réagi Serge Hercberg, professeur de nutrition et cocréateur du Nutri-Score. Pour lui, « ce que l’on pressent, c’est le poids des lobbys ».

Pour Foodwatch, le texte « manque de courage politique ». L’ONG a également déploré « le report de la publication en toute dernière minute, dans la foulée des révélations de la cellule investigation de Radio France ».

De leur côté, le Réseau Action Climat, le Secours catholique, les associations Quatre pattes et France Assos Santé dénoncent un « blocage ministériel » aux « conséquences écologiques, sanitaires et sociales majeures ».

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